dadarama


Lipogrammatus p-raikus. Zurich, avril 1916.
Janco transmit la Ball à Tzara, qui joua d’Arp & Arp, Haussmann (& son poto Richard) trainait par-là : dada hasard, dada lotus. Ça dura six mois. Six mois fous où dada ouistiti, dada dionysos, dada rokapoatopinaculo   o ô ooo oooooo  zoumbaï zoumbaï zoum dansa, courra, balaya, tout, composa, prosodia gadji bimba & poissons volants, dada absolu, dada anti-moi, dada tambour, dada situation, dada molotov, dada scato, six mois où dada atomisa, où dada rit colla chaos utopia sonna hurla, où dada carnaval, où dada canular, où dada fonçait dans la nuit, hurlant à mort. Art pur, abstrait & sans abstraction, art spontaïf, art ultra, art impulsif, vibrant, ni gai ni mort. Art ying & yang.

Six mois puis finito. That’s all folks. 14/07/1916 : Hugo Ball nota dans son journal : « quand la boumboum part ad libiquouï, passons à la polka mazurka fandango qui suit, sans s’y imbroglio ou s’y auto-rhino ». Tristan Tzara : « maudit langage. Vidons tout, tiroirs & compromissions. dada : abolition du futur. Proclamation : l’art. »

Dada continua mais plus tout à fait dada. Coma post-natal. Alors dada s’oxyda, dada rabâcha, dada fana, dada posa. Alors dada plus frais du tout, dada dandy, dada tic-tac, dada tac-tic : dada ramait.

1918. dada fuit à Paris. Parodie. Calcul. LHOOQ, crocodarium dada, dada tzara manif : vains. 1920 : liquidation. Dada gratta un p’tit trou, continua son cours, sous sol, inaugurant sa disparition. Ainsi dada apparait, subito, puis disparait, tout aussi subito. Cobra, Fluxus, Johan Cruyff, Situs, l’Oulipo, Bob Dylan aussi, mai 68, jusqu’à La Disparition. Tout ça fut un instant au moins dada. In-folio, in sono ou in situ.
Un nom pour un dadaland panorama : dadarama.  

Extrait :

faire une histoire de dada est difficile aussi
dada devient toujours parodie de dada
dada a nécessairement une histoire souterraine et fragmentée
dada aime les trous et les discontinuités

dada est la graine portée par le vent
dada prolifère colonise meurt
dada croît comme un rhizome qu’on ne maîtrise pas
dada ne s’étend pas il coure croit se déplace
on ne fixe pas dada
on ne maîtrise pas dada
on ne programme pas dada

dada surgit là où on ne l’attend pas
qui sait où reviendra dada

dada concasse les mots et invente le poème phonétique le bruitisme le lettrisme
dada est anachronique
dada fait l’amour avec les mots avec les lettres et avec Rrose Sélavy parfois
mais pas souvent
Rrose Sélavy est dilettante inconséquente et relative
Rrose Sélavy méconnaît l’absolu

dada soutient l’individu contre la morale la société et la loi
dada n’aime pas l’individu pleurnichard
dada aime le banal
dada aime l’absurde qui rend la vie si agréable

on ne sait jamais trop ce que signifie dada
mais dada signifie parfois va te faire enculer ou passe ton chemin
c’est certain
ou ce que tu veux d’autre
j’vais t’bouillave narvalo ou même
pisse dans un bocal c’est pour Molotov

dada n’est pas négation absolue 
dada est négation et affirmation absolues
dada est absolu
dada ne justifie rien, dada vit

dada s’est appelé Johnny Rotten, un an ou deux, puis s’est désincarné
dada ne s’est pas incarné depuis longtemps (à part Frédéric Beigbeder, je ne vois pas)

dada a de l’humour
dada n’a pas de style dada a tous les styles
dada est un mode
dada est une manière d’être
quelque chose de nouveau qui renverse tout
dada est le tout sans les parties
dada est les parties sans le tout
dada est un mot voilà tout

dada se débarrasse de la grammaire et de sa morale, n’en reste que le squelette qui danse sur la page
dada se débarrasse même du squelette
des os des bouts d’os ossuaire
le squelette c’est Gertrud Stein qui le ramasse pour lui faire du bouche à bouche

on ne refera pas dada
mais dada est éternel il renait sous d’autres formes
peut-être est-il là quelque part en devenir, en germes
encore invisible dans ces pages
qui se développeront en toi

dada est tout
dada est rien
dada est un chaos d’étoiles
suspendu à mon plafond
dada est une araignée dérangée
qui fait des toiles insensées
sans sens interdit
sans sens
dada est
la vie
le feu qui court dans les rues
l’oxygène qui me manquait
dada disparait puis ressurgit
dada est là quelque part devant toi
dada ne se copie pas
dada se réinvente à chaque fois
dada ne s’appuie sur rien
dada aime l’humilité et la saveur du vide :

dada vit.